L’OTAN esquisse les contours de l’après-NH90

Share

En novembre 2020, cinq pays de l’OTAN, dont la France, choisissaient de coopérer pour concevoir un hélicoptère médian de nouvelle génération. Six mois plus tard, l’équipe en charge de ce programme a diffusé une première liste de desiderata à destination des industriels du secteur.

Un Industry Day en septembre

Nombreuses sont les armées dont les flottes d’hélicoptères médians multirôles arriveront en fin de vie dans les 15 à 25 prochaines années. C’est à cet enjeu que tente de répondre le programme « Next-Generation Rotorcraft Capability» (NGRC) de l’OTAN, porté pour l’instant par la France, la Grèce, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume-Uni.

Depuis lors, d’autres Alliés ont manifesté leur intérêt, dont l’Espagne et les États-Unis. Leur participation pourrait être officialisée l’an prochain lors de la signature d’un Memorandum of Understanding (MoU).

Bien que NGRC n’en soit qu’à ses balbutiements, l’équipe en charge convie les entreprises du secteur les 20 et 21 septembre au siège de l’Agence OTAN de soutien et d’acquisition (NSPA), à Capellen (Grand-Duché de Luxembourg). Un rendez-vous qui n’est ni une pré-qualification ni une sollicitation, mais vise uniquement à communiquer sur un embryon de besoin.   

Cet « Industry Day » permettra aux industriels d’ « obtenir des informations de première main sur le futur programme à partir d’un premier éventail d’exigences », souligne un document diffusé il y a peu. Ces premiers échanges doivent contribuer à la préparation des étapes préliminaires, à commencer par la phase conceptuelle. Pour orienter les discussions, la NSPA a dressé un « portrait idéal » de ce que pourrait devenir cette famille d’hélicoptères.

Des caractéristique requises...

Pour la NSPA, cet hélicoptère de nouvelle génération sera une plateforme de classe 10-17 tonnes éventuellement pilotée à distance et dotée d’une architecture ouverte et modulaire propice aux évolutions.

La cellule sera idéalement commune mais déclinée en variantes aéroterrestre, aérienne et maritime capables de recouvrir l’ensemble du spectre dans les trois milieux. L’appareil doit être rapidement reconfigurable suivant la mission qui lui est attribuée, des opérations spéciales à la lutte anti-sous-marine, l’évacuation médicale et la guerre électronique.

La NSPA n’exclut pas de différencier totalement les variantes si le scénario de la base commune s’avèrerait trop onéreux. La logique voudrait néanmoins que NGRC évite la démultiplication des variantes et sous-variantes constatées avec le NH90.  

Sans surprise, les performances attendues sont globalement supérieures à celles des flottes actuelles. La cabine sera dimensionnée pour transporter de 12 à 16 militaires équipés ou pour l’installation d’équipements de mission. La capacité d’emport sera supérieure à 4 tonnes, dont au moins 2,5 tonnes en interne. L’hélicoptère présentera une autonomie d’au moins 1650 km sans ravitaillement et un rayon d’action supérieur à 740 km avec 30 minutes d’autonomie sur zone.

L’aéronef aura une autonomie supérieure à cinq heures avec une tonne de chargement, portée à huit heures avec des réservoirs additionnels. Dans l’idéal, l’appareil atteindra une vitesse de croisière de 400 km/h, dans tous les cas supérieure à 330 km/h.

Quant au volet financier, l’OTAN évoque un coût unitaire inférieur à 35 M€ et un coût à l’heure de vol de 5000€ à 10 000€.

Un NH90 Caïman de l’ALAT déployé au Sahel (Crédits : EMA)

… et d’autres désirées

Hormis ce train de capacités « requises », l’OTAN surfe sur les évolutions technologiques en cours ou à venir pour établir une liste de souhaits liés à l’environnement de l’appareil et aux applications autres que le transport.

Cette liste comprend le ravitaillement par air, tant comme plateforme réceptrice que donneuse. La propulsion sera assurée par une nouvelle motorisation hybride offrant une puissance de 3000 chevaux. L’aérotransportabilité par A400M et C-17 sera garantie « sans désassembler les systèmes majeurs ».

L’hélicoptère sera accompagné d’un éventail d’équipements de mission, dont l’aérocordage, les sonars, radars de surface et liaisons de données tactiques, les protections balistiques ou encore les capteurs électro-optiques.

NGRC devrait accoucher d’un système armé. En plus de l’armement de sabord, le programme envisage l’intégration de roquettes et de missiles. Plus encore, l’appareil servira de « vaisseau mère » pour le déploiement de systèmes autonomes ou semi-autonomes (ALE) et de senseurs tactiques (TOBS), deux solutions expérimentées depuis quelques années sur les hélicoptères de l’US Army.

Enfin, l’équipe NGRC insiste sur l’association et l’interopérabilité entre hélicoptères et systèmes autonomes (MUMT). Aux industriels d’imaginer une solution qui permette non seulement de gérer un essaim de drones, mais aussi de lancer et de récupérer des mini et micro-drones.

Le grain de sel américain

Les États-Unis, bien que poursuivant leur propre programme « Future Vertical Lift » (FVL) en interne, pourraient rapidement venir jouer les trouble-fêtes. Le risque étant que Washington s’appuie sur le gagnant du sous-programme « Future Long Range Assault Aircraft » (FLRAA) pour répondre à NGRC.

FLRAA et NGRC sont indépendants, mais tous deux tendent à répondre au même besoin selon des calendriers équivalents. Après une étude de levée de risques confiée à Bell et au duo Boeing-Sikorsky, l’US Army projette de sélectionner un vainqueur dès l’an prochaine, avec pour objectif une entrée en service d’ici à 2035.

L’enjeu est donc de taille pour l’industrie européenne, ballotée entre deux géants dont la vision est en partie dissemblable. D’un côté, la France, l’Allemagne et, probablement, l’Espagne devraient miser sur Airbus, quand Leonardo serait le chef de file du côté de l’Italie et du Royaume-Uni.

Si Airbus pousse pour une solution européenne, tant Leonardo que les pays dans lesquels le groupe est implanté, l’Italie et le Royaume-Uni, n’ont jamais caché leur intérêt pour le programme FVL. Un rapprochement entre Leonardo et l’industriel retenu aux États-Unis placerait Airbus dans une position inconfortable et diminuerait l’empreinte européenne de NGRC.

Qu’importe la solution retenue dans le cadre de FLRAA, celle-ci sera un concurrent sérieux avec lequel il faudra a minima chercher l’interopérabilité. Pour s’assurer de jouer un rôle significatif, les Européens devront donc éviter les guerres de territoire et privilégier rapidement une ambition commune propice à l’uniformisation et aux économies d’échelle.

Le scénario idéal serait finalement celui d’un rapprochement Airbus-Leonardo, solution qui aurait certainement les faveurs de l’OTAN. Restera à s’accorder pour éviter une gouvernance bicéphale comme celle adoptée pour le NH90, source de complexité en terme de soutien, entre autres.