Le projet RSM, la robotique et l’intelligence artificielle au service des démineurs

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Robotique terrestre et intelligence artificielle s’allient pour faciliter le travail des démineurs. Une première solution a été présentée lors de la dernière présentation des capacités de l’armée de Terre, fruit d’un projet conduit depuis 2020 par CAPACITÉS en partenariat, entre autres, avec Shark Robotics.

Éloigner le démineur de la menace

Baptisé « Robotic Sensitive Minesweeper » (RSM), ce projet démarre il y a deux ans et demi avec pour enjeu de concevoir « un robot de détection de mines antipersonnel à faible signature magnétique », indique Samuel Bonnet, ancien militaire devenu responsable opérationnel BU Robotique et Procédés de CAPACITÉS. Un grand défi pour une petite équipe d’experts de cette filiale de Nantes Université spécialisée dans ingénierie et l’accélération de l’innovation.

« Ce robot a pour particularité d’intégrer plusieurs technologies de sondage de sol », complète Samuel Bonnet. Cette capacité de détection repose essentiellement sur un radar à pénétration de sol (GPR) pour scanner une certaine épaisseur et y détecter une éventuelle anomalie magnétique, couplé à un outil de sondage mécanique. L’idée derrière RSM, c’est de placer la robotique plutôt que l’humain en première ligne pour le déminage de zones de guerre et l’ouverture d’itinéraire. Au partenaire robotique d’aller détecter et marquer tout objet à risque puis de continuer à baliser son parcours pour que les opérateurs puissent le suivre à distance.

En intégrant une couche d’intelligence artificielle, cette version terrestre du dragueur de mines participe aussi à diminuer la charge cognitive du démineur. Conçue pour analyser un nuage de points à partir d’une base de données géométriques et de l’expérience accumulée, cette IA contribue à fournir un premier échelon d’identification et à aider l’opérateur dans sa prise de décision. Pour CAPACITÉS, le robot RSM doit collaborer plutôt que remplacer. « L’évolution vers l’industrie 4.0 implique d’aller vers ‘une machine et un homme’, et non plus vers ‘une machine à la place de l’homme’. L’armée, pour franchir le pas d’une automatisation performante et réactive, doit elle aussi bien penser la place de l’homme et celle de la machine pour que chacun puisse mettre en œuvre le meilleur de ses compétences ».

Le bras robotisé développé pour le projet RSM, qui intègre notamment une sonde mécanique

La démarche n’était pas exempte de difficultés. Il fallait avant tout appréhender le monde militaire, un environnement et des acteurs jusqu’alors éloignés des activités de CAPACITÉS. C’est aussi la recherche de composants suffisamment matures et leur imbrication au sein d’un système global, ensuite. Tout l’enjeu était de parvenir à capter les technologies adéquates puis à adopter une approche scientifique pour les rendre performantes, d’autant plus lorsque le sujet touche à un domaine militaire « touchant aux extrêmes de l’utilisation de technologies pour la plupart civiles à l’origine ».

« Derrière, il y a une série de problèmes à résoudre en matières de synchronisation, de conception mécanique, de traitement du signal, de communication ». Pour CAPACITÉS, la multitude de savoir-faire mobilisés aura nécessité de se former pour « aller chercher le plus haut niveau d’expertise ». L’effort s’avère payant. RSM est en passe d’atteindre le niveau de maturité technologique (TRL) 6, soit un prototype suffisamment représentatif que pour être évalué dans un environnement significatif, pour ne pas dire opérationnel.

Un travail d’équipe

Ce projet n’aurait pu aboutir sans l’appui de l’Agence de l’innovation de défense (AID) et de la Direction générale de l’armement (DGA). Convaincue, l’AID lui a octroyé un budget de l’ordre du million d’euros au travers du dispositif RAPID (régime d’appui à l’innovation duale), de quoi nourrir une réflexion de groupe sur plusieurs années.  

Hormis les architectes de la DGA et Shark Robotics, CAPACITÉS collabore étroitement avec le Laboratoire des sciences du numérique de Nantes (L2SN),  l’École du génie d’Angers et Handicap International, deux acteurs illustrant parfaitement la finalité duale du projet. Tous deux « ont permis de bien appréhender le besoin ». Si CAPACITÉS amène surtout les parties informatiques, des capteurs, de la robotique et d’analyse des signaux, elle a su se rapprocher de Shark Robotics, qu’on ne présente plus, pour le volet mobilité. Le RSM semble tout droit dériver de sa solution Rhyno Protect, une plateforme modulaire conçue pour les interventions à risque et dotée d’une capacité d’emport de 200 kg.

Conventionné sur trois ans mais planifié sur deux, le projet a lui aussi subi les aléas de la crise sanitaire. Il devrait finalement aboutir courant 2023 avec une démonstration au profit, principalement, de la DGA et de l’AID. « Nous sentons que, derrière, des régiments seront intéressés pour en savoir un peu plus ». La phase suivante consisterait dès lors à expérimenter ce prototype avec plusieurs utilisateurs militaires et selon plusieurs cas d’usage. La présentation organisée jeudi dernier aura facilité un rapprochement avec les acteurs potentiellement concernés, qu’ils soient ou non de l’armée de Terre.

Les résultats de RSM pourraient un jour profiter au futur programme ROBIN de l’armée de Terre. Cette opération vise à remplacer les lourds véhicules Buffalo acquis il y a une quinzaine d’années par un engin robotisé. Entre 30 et 40 systèmes pourraient être acquis lors d’un premier incrément centré sur la levée de doute et l’intervention. ROBIN évoluerait ensuite vers un système complet comprenant une fonction détection à laquelle un projet comme RSM pourrait contribuer. Affaire à suivre, l’appel à candidatures n’ayant manifestement pas encore été publié.

« Nous sentons une appétence, un besoin de la part des forces armées pour ce type de produit, surtout au vu des derniers conflits », en conclut le représentant de CAPACITÉS. Quant à capter un nouveau financement via le programme RAPID, la filiale nantaise « le souhaite » mais reconnaît « être novice dans cette approche » et attend donc beaucoup de la DGA et de l’AID pour l’aider « à prolonger cette première étape ».