Le général (2S) Jean-Paul Palomeros, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air française et commandant allié Transformation au sein de l’OTAN, a mis son expérience militaire considérable au service du président élu de France, Emmanuel Macron, « très imprégné de son rôle de chef des armées » pour l’aider a développer un projet de défense avec une équipe qui comprend « une dizaine de personnes ».
Réunis autour d’un petit-déjeuner avec quelques journalistes membres de l’AJD (association des journalistes de la défense) trois jours avant les élections présidentielles le 7 mai, Palomeros a déclaré que maintenant qu’il était à la retraite, il était « libre de mes choix » et qu’après un bref engagement auprès du maire de Bordeaux et ex-candidat au primaires, Alain Juppé, il a été sollicité par l’équipe de Macron pour la conseiller sur des questions militaires.
« C’est dans un esprit républicain que j’ai rejoint l’équipe Macron pour l’aider à construire un projet », a-t-il déclaré, soulignant qu’il était « engagé auprès de politiques et non pas en politique ». Qu’il ait un rôle formel à jouer dans l’équipe gouvernementale que Macron met en place cette semaine, mais qui ne sera annoncée que dimanche prochain (14 mai) à 10 heures, reste à voir.
Palomeros a noté que, dans l’équipe de Macron, il avait trouvé « un consensus sur l’analyse des problèmes et les difficultés pour préparer l’avenir, et pas juste pour le quinquennat, mais bien au-delà […] car les menaces vont continuer à évoluer ».
Dans le domaine défense, la déclaration du candidat Macron qu’il voulait ré-introduire un « service national » obligatoire pour tous les jeunes dans un certain groupe d’âge fut celle qui a le plus retenue l’attention. Palomeros expliqua que ce « projet hautement politique » trouvait ses racines dans le fait que lorsque le service militaire fût arrrêté en automne 1997, « on n‘a pas mis en place quelque chose qui aurait pu s’y susbstituer pour donner des bases de citoyenneté, afin de faire comprendre aux jeunes qu’en France ils ont des droits mais qu’ils ont aussi des devoirs ». Et en utilisant l’un des mots préférés de Macron « pragmatique », il a expliqué que « tout reste à faire. Soyons pragmatiques. Ça ne peut se mettre en place instantanément, c’est le projet d’un quinquennat. Nous devons bien définir le cadre et l’expérience, nous devons décider des moyens que nous souhaitons y mettre et qu’elle encadrement ». Mais il a souligné que les jeunes qui faisaient leur service national ne seraient pas armés et ne seraient pas envoyés en opérations militaires. « Cette tâche incombe à une Garde nationale formée, entraînée au meilleur niveau », a expliqué Palomeros.
Il a confirmé que la France consacrerait, en 2025, 2% de son PIB à la défense (à l’exclusion des pensions des anciens combattants qui s’élèvent à environ 10Md€ et des surcoûts induits par les opérations à l’étranger), comme recommandé par l’OTAN lors de son sommet de 2014 au Pays de Galles.
Il sera très vite « mais pas dans l’urgence ou la précipitation » mis en place une revue stratégique pour « la fin de l’année » qui sera suivie d’une nouvelle loi de programmation militaire, a déclaré Palomeros.
Il a ajouté que les alliances actuelles seraient maintenues, tout comme la force de dissuasion nucléaire de la France, mais en gardant une « vision européenne ». De toute évidence sur la même longueur d’onde européenne que le président élu qui avait choisi l’hymne européen (Ode à la joie de Beethoven) pour accompagner sa marche vers la pyramide du Louvre où des milliers de ses partisans attendaient son discours post-électoral dimanche soir, Palomeros a fait remarquer que « c’est un moment européen et il ne faut pas le rater ». Il s’est demandé si « on sera capables d’inventer une nouvelle Europe ? », notant que jusqu’ici en Europe « on a été dans le ‘comment‘ et pas dans le ‘quoi‘ ».
Palomeros est le premier spécialiste de la défense que FOB a entendu prevenir publiquement que « le Brexit est un gros problème parce que la Grande-Bretagne est une puissance nucléaire ». Il faut se poser la question, a-t-il dit de « comment la GB restera-t-elle dans la défense européenne ? » Car si elle part complètement « alors il va manquer des capacités, des savoir-faire ». « J’espère qu’on pourra garder le bilatéral et il faudra se le fixer comme objectif », a-t-il annoncé.
Il a déclaré que Macron soulèverait également au sommet de l’OTAN à Bruxelles le 25 mai la question sur la place de l’OTAN dans la lutte contre le terrorisme. Pour Palomeros, « nous devons utiliser tous les moyens qui sont à notre disposition » et notamment « nous devons améliorer notre partage de l’intelligence ». Il a concédé qu’il serait difficile pour la France de rejoindre les « Five Eyes »* (Australie, Canada, États-Unis, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni), mais une task force renseignements serait créée en France car « il faut avoir une synthèse de l’information pertinente » parmi la masse de BigData recueillie.
En ce qui concerne les opérations militaires actuelles de la France, Barkhane (en Afrique centrale) continuera dans sa forme actuelle, a-t-il dit, ajoutant que « je n’ai pas le sentiment qu‘il faut modifier les dispositifs actuels en Irak et en Syrie qui sont raisonnables et équilibrés ».
Il a ajouté que les décisions prises par le président sortant François Hollande en 2015 et 2016 de redoter les armées « vont se concrétiser ».
* La France aurait été invitée à devenir le « 6ème œil » en 2009, mais le président français de l’époque, Nicolas Sarkozy, a exigé que la France ait le même statut que les autres alliés, y compris la signature d’un « accord sans espion ». Cette requête a été approuvée par le directeur de l’Agence de sécurité nationale (NSA) des États-Unis, mais pas par le directeur de l’Agence centrale de renseignement (CIA) ni par le président américain de l’époque, Barack Obama. La France a donc refusé l’invitation.