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En Italie, Roberta Pinotti laisse sa place à Elisabetta Trenta du Mouvement 5 Étoiles, et en Espagne, Maria Dolores Cospedal est remplacée par la socialiste Margarita Robles. Les partis dont elles sont issues ont basé leur campagne électorale contre l’action du gouvernement alors en place dans leur pays, tous deux proches des directives de Bruxelles. Le ministère de la Défense participe à la souveraineté d’une nation en élaborant sa politique de défense ce qui exige une certaine continuité. Ces nouvelles nominations peuvent-elles mener à un renversement des politiques de défense espagnole et italienne ? Probablement pas.
 

Maria Dolores Cospedal remet le portefeuille de la défense à la nouvelle ministre, Margarita Robles (Crédits : EFE)

Maria Dolores Cospedal remet le portefeuille de la défense à la nouvelle ministre, Margarita Robles (Crédits : EFE)


 
Décidément, en Italie et en Espagne, si on lorgne sur le poste de ministre de la Défense, mieux vaut être une femme. Si la promotion des femmes n’est probablement pas l’une des priorités du gouvernement italien dit populiste – Trenta est l’une des cinq femmes ministres sur un total de dix-huit – elle est bien celle du nouveau gouvernement espagnol qui est composé de onze femmes pour seulement six hommes !
 
Bref, commençons les présentations. La nouvelle ministre de la défense italienne a une réputation de dame de fer. Capitaine de réserve dans les Forze Armata Italiane, elle aurait été personnellement choisie par le chef du M5S, Di Maio, pour sa grande expérience ainsi que pour son engagement constant au niveau international. Effectivement, âgée de cinquante ans, Trenta a servi en Irak entre 2005 et 2006 en tant que conseiller politique du ministère des Affaires étrangères, au Liban en 2009 comme conseiller pays pour le ministère de la Défense dans la mission Unifil avant d’offrir ses services lors de la crise libyenne. Journaliste et analyste défense-sécurité, elle co-dirigeait jusqu’au moment des élections italiennes un master Intelligence et Sécurité. Selon ses propres mots, elle est avant tout une directrice de programme : « j’ai participé pendant vingt ans à des projets de coopération dans des zones difficiles, notamment dans les pays sortant d’un conflit. » Elle souhaite défendre le sens du devoir et du professionnalisme et travailler à la défense du territoire ainsi qu’à la valorisation du rôle de l’Italie sur la scène internationale.
 
Son homologue espagnole est une juge reconnue de la Cour suprême, plus récemment connue en tant que porte-parole des députés socialistes espagnols. Alors que les observateurs pensaient la voir à la tête du ministère de la Justice ou du ministère de l’Intérieur elle a finalement été nommée aux affaires militaires, parait-il, selon sa demande expresse, alors que dans son parcours rien n’indique sa proximité avec le monde de la défense. De onze ans l’ainée de Trenta, elle a déjà connu le gouvernement de son pays puisqu’elle y était secrétaire d’État à l’Intérieur entre 1994 et 1996. Lors de son investiture ce jeudi 7 juin, Robles a insisté sur le fait que les intérêts partisans ne devaient prévaloir sur « le bien commun, l’intérêt général et la défense de l’Etat ».
 
Quand Robles recevait le portefeuille de la Défense des mains de Cospedal, Trenta effectuait son baptême du feu à Bruxelles pour la dernière grande réunion de l’OTAN avant le sommet des 11 et 12 juillet prochains. Sa tâche à la tête de la défense italienne sera probablement plus difficile que celle de Robles puisque ses premiers efforts consisteront à expliquer à ses homologues, à l’Union européenne et à l’OTAN la position controversée du nouveau gouvernement italien sur les questions internationales : une politique eurosceptique, russophile et quelque peu isolationniste vis-à-vis des missions militaires internationales, comme par exemple sur l’Afghanistan.
 
La ministre Robles a, elle, tout de suite rassuré comme l’a indiqué le site spécialisé Infodefensa. Elle a opté pour la continuité : « Parce que nous croyons profondément en l’État, nous allons travailler sur une ligne de continuité, car en matière d’État, il ne peut y avoir de positionnement (idéologique). » Elle s’est déclarée en faveur de la modernisation de l’armée espagnole et a remercié le travail « sérieux et silencieux » des militaires, avec une attention particulière à ceux qui sont déployés en opération extérieure, souligne le site d’information espagnol. « Je suis fier d’eux, ils sont la meilleure image de l’Espagne lorsqu’ils partent à l’étranger » a-t-elle déclaré.
 
La nouvelle ministre de la Défense italienne Elisabetha Trente ce 7 juin à Bruxelles aux côtés de son homologue américain James Mattis et du secrétaire de l'OTAN, Stoltenberg (Source : Twitter de Claudio Bisogniero, ambassadeur italien à l'OTAN)

La nouvelle ministre de la Défense italienne Elisabetta Trenta ce 7 juin à Bruxelles aux côtés de son homologue américain James Mattis et du secrétaire-général de l’OTAN, Jens Stoltenberg. (Source : Twitter de Claudio Bisogniero, ambassadeur italien à l’OTAN)


 
Pour la suite des travaux, Trenta devra trouver un compromis entre « l’Italie d’abord » et la participation italienne à l’OTAN ainsi qu’aux projets de Bruxelles, ou de divers chefs d’État comme Emmanuel Macron, pour l’Europe de la Défense (PESCO, force d’intervention rapide, fonds de défense etc). Bien que le nouveau gouvernement italien se dit favorable à l’alliance militaire avec Washington – à travers l’OTAN ou non – les graves divergences de point de vue sur la Russie de Poutine (le M5S reconnaitrait la Crimée comme un territoire russe) pourraient nier à l’Italie, surtout si elle se retire de ses principales missions militaires à l’étranger – le président du Conseil italien, Giuseppe Conte a tenté de rassurer les Alliés en parlant maintenant de « révision » plutôt que de « retrait ». De même pour l’Union Européenne, si l’Italie désire s’isoler, son industrie de défense pourrait en pâtir.
 
Sur le volet international, la politique de Robles ne devrait pas causer trop de soucis. C’est plutôt au niveau national que sa tâche risque de se compliquer. Les socialistes espagnols ne sont pas connus pour exiger la hausse des crédits militaires. Pourtant, il s’agira de financer les programmes de véhicules 8×8 Piranha, les frégates F-110 et les sous-marins S-80, comme il faudra trouver les fonds nécessaires aux missions des soldats espagnols qui sont plus de 3000 à être déployés à l’étranger aujourd’hui (pays baltes, Irak, Mali, opération Atalanta). Encore, il s’agira de stimuler l’industrie de défense espagnole, un peu à la peine ces dernières années. Aussi, les États-Unis ne tarderont pas à rappeler Madrid à l’ordre sur l’objectif des 2% du PIB pour la défense selon l’accord signé par les États membres de l’OTAN.
 
Voilà, nous l’aurons compris, les têtes ont changé avec les nouveaux partis (contestataires) au pouvoir, mais sur le fond, aucun bouleversement n’est à prévoir. À moins que les Italiens persistent, et décident du contraire.

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