Reconstitueurs et « reconstructeurs » au War and Peace Revival show, en Angleterre

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Le War and Peace Revival show qui se déroule en juillet de chaque année à Hop Farm, dans le sud de l’Angleterre, est une manifestation unique au monde : c’est le plus grand rassemblement de passionnés de la chose militaire où l’on voit des propriétaires privés de véhicules militaires se mêler aux groupes de reconstitution dédiés à des épisodes de notre histoire situés entre la 1ère guerre mondiale et les conflits actuels. Hallucinant !
 

Sherman M51 d’origine israélienne (Super Sherman) remis aux couleurs US, dépassé par le Challenger Mk.1 d’Andrew Baker au War and Peace Revival show 2018 (photo : Forces Operations)


 
Sur le vieux continent, le hobby des véhicules militaires et groupes de reconstitution est connu pour faire revivre principalement des épisodes des deux guerres mondiales ; les manifestations commémoratives de la 1ère guerre mondiale et des deux débarquements de 1944 (6 juin en Normandie et 15 août en Provence) sont les plus connues, avec le carrousel de Saumur, Tanks in Town et le BMVT au fort de Lantin en Belgique, Militracks en Hollande, etc. Et nous ignorons tout ce qui se déroule d’aussi spectaculaire en Russie.
 
Au War and Peace Revival show, davantage qu’au Tankfest de Bovington, le spectre est beaucoup plus large : si, au fil des années, on a cessé de voir des reconstitutions antérieures à la 1ère guerre mondiale, les mises en scène et les véhicules sillonnant le très vaste domaine plongent le visiteur dans des conflits très connus et moins connus, jusqu’à nos jours : guerre froide, Vietnam, Guerres du Golfe, Somalie (reconstitution de « Black Hawk Down » par le groupe Three-Sixty History), Afghanistan, Irak, Syrie,… Tout, absolument tout ce que l’on voit est mis en œuvre par des personnes privées. Ainsi voit-on circuler des véhicules à roues, des semi-chenillés, des transports de troupes, des engins de génie et même des chars. Et pas n’importe lesquels ! Tant qu’il s’agit de Sherman, de M113, de BMP-1 (en fait un OT-90 tchèque), de T-34, bon, on admire mais on ne se pose pas trop de questions. Mais lorsqu’un particulier aligne une série de petits blindés de reconnaissance CVR(T) actuellement en service en divers points du monde et – carrément – un char Challenger 1, alors…
 
Pour Forces Operations, il y a là un sujet d’intérêt qui mérite quelques lignes et justifie le titre que nous leur donnons. Andrew Baker a répondu à nos questions avec un flegme britannique associé à un sourire en coin qui vont bien de pair avec son activité professionnelle : sa société Military Vehicle Solutions Ltd n’est pas unique en son genre mais l’homme est le seul au monde à posséder un char Challenger 1, tous les autres exemplaires de l’armée britannique ayant été vendus à la Jordanie où ils sont toujours en service. Il a acheté ce char – qui servait de gate guardian à l’entrée d’une caserne – pour le prix du moteur ; avec son personnel, il a restauré le char dont seul le canon de 120mm doit encore être remis en état. Il n’a pas révélé s’il entendait l’utiliser dans son jardin…
 

Andrew Baker en démonstration au War and Peace Revival show 2018 avec son Challenger 1 (photo : Forces Operations)


 
Se balader en Challenger 1 n’est qu’une facétie en regard de l’activité de sa société spécialisée dans la remise en état de petits blindés de reconnaissance dont la société Alvis avait créé plusieurs variantes au début des années 1970 et vendu des milliers d’exemplaires à différentes armées dans le monde, notamment l’armée belge. Le CVR(T) (Command Vehicle Reconnaissance – Tracked) fut une grande réussite commerciale.
 
La famille CVR (T) se compose d’un char léger Scorpion (canon basse pression de 76mm), d’un véhicule de reconnaissance Scimitar (canon automatique L21 Rarden de 30mm ; 90 coups/minute) ; d’un lance-missile Striker, d’un transporteur de troupes Spartan, d’une ambulance Samaritan, d’un véhicule de commandement et de contrôle Sultan et d’un véhicule blindé de dépannage Samson.
 
Les contraintes liées à l’aérotransport avaient mené à produire un engin compact équipé d’un moteur Jaguar 6 cylindres à essence de 4,2 litres privé d’un de ses deux carburateurs d’origine pour « calmer la bête » (169 cv au lieu de 420). Inutile de dire que l’évolution qui caractérise presque toute mise en production a conduit BAE Systems à changer ce moteur au profit d’un diesel Cummins BTA 5.9 litres, qui génère une puissance maximale de 235 ch et fournit un couple accru de 33%. Le moteur est couplé à une boîte de vitesses automatisée TN15E + fabriquée par David Brown. Cet ensemble peut propulser le Scimitar Mk.2 à une vitesse maximale de 80 km / h sur les routes (contre presque 120 km/h avec le moteur Jaguar !). L’autonomie est également plus grande. Le Scimitar Mk.2 est une petite merveille de mobilité que l’armée britannique aligne partout où elle opère.
 
La configuration originale du Scimitar montre un engin très plat, donc assorti de contraintes en termes d’habitabilité et de place pour des composants plus nombreux et plus sophistiqués requis par l’évolution des petits véhicules de combat. Le véhicule modernisé, intelligemment basée sur le Spartan un peu plus haute, est désigné Scimitar Mk.2, l’accroissement de hauteur ayant permis de doter le chauffeur d’un siège conçu pour atténuer le souffle d’une explosion de mine ou IED. Il est doté d’un blindage en céramique Plasan pour une protection accrue contre les menaces de l’énergie cinétique (KE). Le blindage est également adapté pour la protection contre des attaques au RPG et les réservoirs de carburant auto-obturants sont protégés. La caisse et la tourelle sont équipées d’une protection renforcée contre les explosions de mines ou IED et de contre-mesures électroniques pour la protection contre les engins explosifs improvisés (EEI). Le Scimitar Mk.2 affiche un poids maximum en ordre de combat de 12.250 kg.
 
BAE Systems modernise également les véhicules Spartan, Samson, Sultan et Samaritan selon la norme Mk.2, pour un coût total inférieur à 30 millions de livres sterling pour l’armée britannique.
 

Devant un Scimitar Mk.2 de BAE Systems, Andrew Baker explique à Forces Operations l’activité commerciale de sa société Military Vehicle Solutions basée sur la remise à neuf de CVR(T) (photo : Forces Operations)


 
Mais nous vous parlions d’Andrew Baker et sa société au War and Peace Revival show. Military Vehicle Solutions passe des contrats avec le ministère britannique de la Défense et travaille aussi avec des gouvernements étrangers pour remettre à neuf leurs anciens CVR(T) et les moderniser, sans se limiter à ce petit blindé. Vu les dizaines de milliers de visiteurs, en ce compris des militaires étrangers, qui passent à Hop Farm au fil des cinq jours que dure la manifestation, l’idée de mêler vitrine professionnelle et démonstrations « décoiffantes » en exposant la gamme de produits et en les faisant participer aux démonstrations dynamiques en compagnie de nombreux véhicules militaires de collection devrait faire des émules. Alors, verra-t-on aussi des sociétés françaises de « reconstructeurs » se lancer dans l’aventure avec les reconstitueurs au War and Peace Revival Show 2019 ?