Apagan, baptême du feu du 5e régiment de cuirassiers

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Durant une dizaine de jours, les Forces françaises aux Émirats arabes unis (FFEAU) auront été le centre de gravité de l’opération d’évacuation Apagan. Parmi les éléments locaux engagés, le 5e régiment de cuirassiers, pour qui il s’agissait de la première projection depuis sa recréation en 2016.

Première projection pour le 5e RC

Du 17 au 27 août, Apagan a permis le rapatriement de 2834 personnes, dont 2630 Afghans et 142 Français, grâce un double pont aérien : une boucle avant entre Kaboul et la base 104 d’Al Dhafra (Émirats arabes unis), et une boucle arrière entre Al Dhafra et Paris. Le dernier avion en provenance des EAU a atterrit dimanche dernier à Vélizy-Villacoublay avec des personnels diplomatiques et militaires.

Clef de voûte d’Apagan, le commandement des FFEAU aura mobilisé l’essentiel de ses 700 militaires au profit de l’opération, tant aux EAU qu’au sein de l’emprise française installée sur l’aéroport de Kaboul. Hormis 70 à 100% de l’état-major interarmées des FFEAU, Apagan aura grandement sollicité le 5e régiment de cuirassiers de l’armée de Terre, une première pour ce « jeune régiment » recréé en juin 2016 sur le sol émirati. « Cela a été pour lui un peu le baptême du feu », soulignait le contre-amiral Jacques Fayard, commandant de la zone maritime océan Indien (ALINDIEN) et commandant des FFEAU (COMANFOR EAU), ce mardi lors d’un point presse du ministère des Armées.  

Distinct des autres régiments de cavalerie de part sa structure en groupements tactiques interarmes, le 5e RC « est une véritable boîte à outils dans laquelle j’ai été capable de puiser une section PROTERRE, une capacité EOD, des militaires féminins pour effectuer les fouilles des femmes et des enfants que l’on voyait arriver de plus en plus, ce qui n’était pas forcément le cas de la partie forces spéciales », ajoutait le COMANFOR EAU.

(Crédits : EMA)

Un « harpon » à Kaboul

Le Royal Pologne est sur le pont dès le lendemain du déclenchement de l’opération avec deux de ses sections. L’une est envoyée en appui sur la BA 104. L’autre arme le « harpon » projeté à Kaboul dans la soirée du 16 août. Sa mission ? Assurer le filtrage, la mise en sécurité, les soins médicaux et l’embarquement des ressortissants français et étrangers et des réfugiés afghans.

À la tête du pion tactique envoyé en Afghanistan, un chef d’escadron, le chef opérations du centre opérationnel des FFEAU, un logisticien air et deux transmetteurs de la DIRISI chargés de la mise en place de liaisons sécurisées, notamment au profit de l’ambassadeur de France en Afghanistan, David Martinon. Ils seront rapidement renforcés par un détachement de transit interarmées et placés sous la responsabilité d’un lieutenant-colonel de l’armée de Terre, chef du bureau opérations instruction du 5e RC.

Cet échelon « avait sous son commandement tactique la partie forces spéciales et la partie 5e régiment de cuirassiers ». Soit une trentaine de forces spéciales, une section PROTERRE à 34 militaires et un spécialiste EOD. Entre 80 et 100 militaires français étaient donc présents en permanence sur l’aéroport de Kaboul, auxquels s’ajoutent une trentaine de civils du ministère du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.

« Un militaire a toujours besoin de réserve », pointe par ailleurs le contre-amiral Fayard. Pour renforcer le niveau opératif d’Apagan, celui-ci s’est à nouveau tourné vers le 5e RC. L’un de ses sous-groupements tactiques interarmes (SGTIA) blindés a été maintenu en alerte et prêt à être projeté tout au long de l’opération. « J’étais capable de réinjecter au besoin un volume de 150 personnes si le niveau de sécurité le nécessitait ». Pas mal pour un régiment dont l’effectif s’élève à 270 militaires, parmi lesquels seule une soixantaine sont permanents.

Au niveau stratégique, l’échelon national d’urgence (ENU) a été placé en alerte pour pouvoir répondre « si la situation dégénérait ». L’ensemble « donnait un peu de profondeur de champ et de capacité d’adaptation par rapport à l’évolution de la situation sur zone ».

Pour le commandant des FFEAU, mener Apagan « n’a pas été un long fleuve tranquille ». Les militaires du 5e RC ont connu l’attentat suicide du 26 août et les alertes CHICOM à répétition. Et pourtant, « on a tenu et on a réussi à sortir ces gens qui en avaient le besoin, et c’est tout l’honneur et la fierté que peut ressentir notre pays ». Cette fierté, on la retrouve à tous les échelons. « Je peux vous dire que [les] jeunes de la section du 5e régiment de cuirassiers que j’ai accueillis en sortie de l’A400M […] avaient les yeux qui pétillaient d’avoir le sentiment et la fierté de la mission accomplie », relate le contre-amiral Fayard.

(Crédits : EMA)

Les premiers enseignements d’Apagan

L’état-major des armées (EMA) a d’ores et déjà tiré une premier série d’enseignements de cette opération RESEVAC inédite. Premièrement, le succès de la manœuvre, « exercice de haute voltige où chacun a parfaitement joué sa partition ». Pour l’EMA, le défi a été relevé « et bien relevé ».

Deuxièmement, la réactivité des armées. Même si l’exercice est connu, Apagan est une nouvelle preuve que le dispositif d’alerte français fonctionne. « Les armées ont montré qu’elles étaient à nouveau capables de se projeter vite, fort et loin dans des conditions difficiles ». Les derniers militaires français avaient quitté l’Afghanistan le 31 décembre 2014, « il n’y avait donc personne pour accueillir l’opération française hormis les alliés », rappelle l’EMA.  

Le troisième enseignement relève de la robustesse des capacités, notamment des A400M et des C130. « Nous disposons de capacités qui ont l’allonge suffisante pour aller chercher beaucoup de monde dans des situations dégradées. Nous sommes auto-protégés, nous avons des capacités blindées. Nous avons pu tester tout l’intérêt que cela représente d’avoir ces capacités », détaille le porte-parole de l’EMA, le colonel Ianni. Même son de cloche de la part du contre-amiral Fayard, qui relève « la disponibilité exceptionnelle des A400M et C-130 et de nos MRTT. Il y a cinq ans, je ne suis pas sûr que nous aurions été capables de mener cette opération ».

Quatrième point, la très bonne coopération avec les alliés, en particulier avec les partenaires stratégiques émiriens et américains. L’interopérabilité construite et entretenue avec ces derniers lors d’exercices et en opération extérieure, notamment au Sahel, « a montré toute sa pertinence dans cette situation d’urgence ». Le « soutien indéfectible » des EAU s’est lui aussi révélé précieux. Le transfert en urgence de la section PROTERRE avec armes et bagages entre la base du 5e RC et la BA 104 aura ainsi été rendu possible grâce à un hélicoptère CH-47 Chinook mis à disposition par le commandement émirien.

Et cinquièmement, la plus-value opérationnelle du dispositif de force prépositionnée. Un mécanisme qui donne « un avantage important en cas de crise pour gérer l’imprévu et l’urgence », selon l’EMA. Apagan aura ainsi été un excellent stress-test pour l’état-major des FFEAU, relevé à 40% le 15 juillet. « Ils ont réussi à gérer cette opération au niveau opératif. Je suis très fier de mes troupes et de ma relève, qui ont montré que les FFEAU étaient à la hauteur de ce qu’on attendait d’eux en temps que force prépositionnée ».

« Les FFEAU sont au cœur de notre stratégie d’accès au Proche et au Moyen-Orient. Elles nous donnent de la profondeur stratégique. Cette capacité s’est montrée utile pour l’Irak, elle vient de se montrer utile pour l’Afghanistan. C’est bien ce contrat opérationnel permanent qui nous permet, au coup de sifflet, en étant préparés et acclimatés à la région, de se projeter sur ordre et quelle que soit la mission qui nous est donnée », a conclu le contre-amiral Fayard.